White Rabbit
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 « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C.

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MessageSujet: « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C.   « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C. I_icon_minitimeMer 1 Avr - 17:24

« ...et, demain, la désillusion. »

    Hâtant le pas, Uriel pesta à voix basse. Ce qu’il pouvait détester les ambiances romanesques, d’un sentiment écoeurant, étourdissant et si enivrant cependant. Il n’était définitivement pas de ces cœurs épris et aimants cherchant le réconfort de leur alter ego qu’importe l’instant. Ou plutôt, tel était son manège persistant d’auto persuasion face à la parade de couples juste sous ses yeux.
    Sans doute avait-il choisi son sort à venir jusqu’à la cascade argentée ! Le repère de la mièvrerie, peut être ! Sûrement même, à ses yeux. Que n’aurait-il pas donné pour ne point être si lunatique pour une fois. Tantôt froid, tantôt sentimental, tantôt asocial, tantôt agonisant de solitude et de désespoir de cause. Il était venu trouver ici refuge, mais, une fois n’étant pas coutume, son humeur en avait bien trop vite été ombragée. Il souffrait déjà les affres de l’insatisfaction persistante qui auraient tôt fait de le ronger totalement jusqu’à ce que sa raison fût totalement annihilée par sa folie croissante. Que son mal soit aussi malin que malsain ne le dérangeait pas outre mesure, et, pourtant, il avait tout de l’incorrigible inadmissibilité, de celle qui rebute tout être, venant tant d’ennemis que d’amis.

    Crachant sur le sol avec toute la vulgarité que recelait son être, Uriel alla sous le couvert des arbres pour s’offrir un point de vue qui lui parut décent. Quelques couples s’ébrouaient encore au rythme de jeu qu’eux seuls, sans doute, pouvaient comprendre. Uriel ne savait pas tellement ce qu’était qu’une « relation digne de ce nom ». Il ne connaissait rien aux relations humaines en dehors de leur complexité et de leur mixité étonnante. Puisque le même genre de personnes réagissait souvent différemment à son contact d’une fois sur l’autre, il en résultat qu’il disposait de peu « d’a priori » en toute circonstance. Tout ceci relevait donc bien vite d’une étude quotidienne et évolutive, où il ne pouvait que très rarement avoir d’acquis.

    « C’est proprement écoeurant. »

    Son visage signa un rictus méprisant adjoint à un sourcil arqué, le tout condamnant strictement un baiser langoureusement échangé. Non pas de ceux d’une violente passionnée que Nelchael savait lui arracher, mais plutôt de ceux si tendres et si aimants qu’ils en deviennent d’un cruel banal. Tout ceci n’était bien sûr que l’œuvre d’un scepticisme volontairement exagéré. Ce stratagème ne relevait encore que de l’auto persuasion car, ainsi, il ne ressentait que moins le manque dévorant ses entrailles.
    Il luttait de jour comme de nuit pour ne pas se laisser engloutir par la soif de ses lèvres, de ses mains… de son image, seule. Nelchael le hantait. Dans chacun de ses soupirs, de ses regards errants, de ses pas, de ses espoirs et du moins chuchotement du vent à son oreille ou au creux de son cou, tel la promesse d’un futur baiser. Il ne savait que trop bien comme ces impressions n’avaient rien d’anodin. Mais fort de son inconstance, Uriel niait tout, et en bloc, évidemment.

    Un rire fendit le silence, et Uriel en eut un moment de recul. Une jeune fille, étendue dans l’herbe, réagissait, semble-t-il, au lascif contact de son compagnon taquin. Ce comportement aux abords anodins eut tôt fait de désarçonner radicalement un Uriel perplexe. La raison en était simple et toute éclairée : elle arborait alors un sourire radieux, et malicieux, comparable à une pureté parfaitement risible en ces hauts lieux de folies, et avec cela qu’il lui rappelait tout l’enthousiasme de sa belle. En réalité, cette image venait de le frapper en plein cœur avec tellement d’intensité qu’il s’en voyait bien dépourvu de toute forme de contrariété, d’impatience ou plus simplement de réticence. Il ne sentait ni plus ni moins que son cœur s’attendrir au contact d’interdites et abjectes pensées. Cela n’aurait eu probablement rien de contrariant pour tout autre que lui. Mais Uriel n’était pas tout autre.

    Alors qu’il songeait déjà à céder à ses infâmes pulsions subversives, il fit volte-face et prêta un regard attentif aux alentours : il ne vit rien. Pourtant, il demeurait persuader d’avoir saisi un son, un mouvement, quelque chose de comparable à de l’artifice en cet espace de nature - et de candeur. N’étant pas connu pour sa paranoïa, Uriel conserva le crédit d’un tel sentiment, voire d’un tel pressentiment. Mais, puisque rien ne bougeait et que rien ne permettait de conclure trop hâtivement, il préféra renoncer à sa curiosité maladive pour reprendre son chemin, et l’arpenter à loisir. De nouveau, il était bel et bien reparti dans un élan d’enthousiasme fortement paradoxal mais qui ne pouvait que lui convenir… avec cela qu’il ne perdait pourtant rien de son piquant naturel.

    « Au milieu de tant d‘absurde, c’est davantage être doué de raison que de folie qui devrait m’atterrer, siffla-t-il, parfaitement narquois. »
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MessageSujet: Re: « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C.   « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C. I_icon_minitimeMer 1 Avr - 18:39

    Des pétales de fleurs jonchant le sol, le délicat frémissement de l'eau claire et des couples à perte de vue ... Rosemary en avait des hauts le cœur. Elle ne comprenait pas l'intérêt de venir s'entasser dans un endroit aussi cliché pour étaler ses ébats en public. Et pourtant, la belle ne faisait pas partie de ces éternels solitaires qui maudissaient ceux qui, finalement, semblaient avoir trouvé un sens à leur vie. Non, elle l'avait trouvé sa moitié, depuis bien longtemps et en était même follement amoureuse. Peut-être ne ressentait-elle tout simplement pas le besoin d'avoir des spectateurs. Quoi qu'ici, personne ne faisait vraiment attention aux autres. Ils étaient bien trop occupés à arracher les marguerites et à en tirer des conclusions stupides ... du genre pour toujours et à la folie. Alors que faisait-elle en ces lieux ? La jolie reine n'était-elle pas un brin masochiste ? Étendue dans l'herbe, dans sa petite robe noire qui contrastait nettement avec l'ambiance, elle semblait totalement étrangère au bonheur environnant. D'ailleurs, tous avaient bien pris soin de rester à une distance raisonnable de leur souveraine. Comme quoi, tous ces êtres loufoques avaient tout de même quelques notions de prudence. Elle se retourna sur le ventre et se mit à observer ceux qui l'entouraient. Le tableau était comique : il ne s'agissait en réalité que d'une suite de représentations semblables. Des sourires sincères, des baisers volés, des éclats de rire, des regards langoureux ... L'imagination leur faisait visiblement défaut. Comment leur en vouloir ? Ils étaient tous littéralement aveuglés. Heureusement, la belle était d'humeur miséricordieuse, sans quoi elle leur aurait bien volontiers rendu la vue.

    Elle s'apprêta à se laisser retomber sur le dos quand une autre image la frappa. Il n'y avait plus de duo ni même de sourire. Non, tout là-haut, caché dans l'ombre, un être esseulé semblait maudire ce spectacle. Son sourire s'élargit lorsqu'elle reconnut l'un de ses pairs. Uriel, bien entendu. Qui d'autre se serait aventuré dans un endroit pareil avec de telles convictions dans la vie ? Elle l'observa un moment, immobile. Il était fascinant de voir qu'elle pouvait deviner chacune de ses pensées à l'instant même rien qu'en décortiquant les expressions de son visage. Pourtant, il n'en était pas toujours ainsi, loin de là même. La plupart du temps, les intentions de cet individu si lunatique lui échappaient et c'était pour cette raison qu'il avait éveillé son intérêt. Le mal qui le rongeait, peu importe de quoi il s'agissait, semblait le caractériser entièrement. Oui, un être plus qu'intéressant ... D'ailleurs, Rosemary ne pu résister à la tentation de le rejoindre. Elle se releva avec prudence, histoire de ne pas attirer son attention et fit un léger détour sans le lâcher de yeux. Il ne l'avait pas repérer, même si dans cette tenue, elle avait tout de l'oiseau de malheur qui viendrait tous les faucher. Quelques secondes plus tard, elle se retrouvait juste derrière lui, adossée nonchalamment à un arbre, comme si elle s'était trouvée là depuis le début. Il était l'une des personnes les plus amusantes à surprendre, tout simplement parce qu'il semblait détester cela autant qu'il l'aimait. Elle jeta un coup d'œil au loin, d'abord silencieuse puis finit par trahir sa présence dans un léger rire cristallin.

    - Mon cher Uriel, quel mauvais esprit. N'avez-vous point remarqué qu'ici l'ostentatoire bonheur est roi ? dit-elle en faisant glisser ses doigts pâles sur l'écorce rugueuse. Il n'y a pas de place pour le cynisme ou même pour le malheur des autres. Voyez donc par vous-même.

    Il était un peu fort de sa part de lui faire une telle remarque étant donné qu'elle se trouvait à peu de chose près dans la même situation mais Rosemary adorait le provoquer, lui qui se cachait derrière tant de principes ardus et de faux-semblants. Elle avait bien entendu eu vent de sa relation avec la petite Nelchael, puisque rien ne pouvait lui échapper. L'imaginer un instant emmener sa belle dans un tel endroit lui arracha un sourire amusé.
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MessageSujet: Re: « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C.   « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C. I_icon_minitimeMer 1 Avr - 19:24



    Durant un instant, surpris sans en montrer plus que nécessaire, Uriel hésita sur sa réaction. Il n’était pas prudent de contrarier la Reine. Cela étant, il n’était pas davantage prudent de venir épier un être tel que lui, et elle ne s’en était poins privée. Baissant légèrement la tête avec respect, arquant un sourcil dans un sourire à demi contraint, il préféra de loin jouer la carte de l’ouverte hypocrisie. C’était, certes, de la pure provocation mais ce n’était vraisemblablement pas le moment pour lui d’être courtois. Un autre jour. Ou, plutôt, une autre heure. Mais pas maintenant. Et qu’elle fût là, non loin de lui (et pourtant déjà trop près), lui laissa un terrible goût d’amertume sur le bout de la langue, à moins que ce ne fût dans le fond de son cœur. Quelle que fût la cause, l’effet fût idem… Nelchael lui manquait, et il aurait été prêt à tout pour affirmer son mensonge :

    « Je ne suis pas plus cynique que malheureux, dit-il. Mais autant de candeur, là, présentement, me répugne davantage que ne m’inspire. Je jouerais bien de leurs cœurs enflammés de naïveté s’ils n’étaient pas déjà si corrompus qu’ils en souffriraient de bonheur et de volonté. »

    Jetant un regard sur ses arrières, Uriel eut encore la vision d’un couple enlacé. Une grimace tordit son visage, et il y eut soudainement un fond de sincérité dans ses propos. Tout cela le rebutait, et c’était peut être bien pour cela qu’il était fort incapable d’assumer ses sentiments. De toute façon, il n’avait pas envie, ou besoin, d’en discuter. Les choses allaient ainsi parce qu’il le fallait bien, et aussi parce qu’il aurait été bien trop contrariant pour lui de changer d’avis sur la question trop souvent.

    « Ah, intervint-il juste ensuite. Là, peut être suis-je cynique, en effet. »

    Le ton qu’il y adjoignit témoigna surtout de son sarcasme, à l’instar de son sourire. Il passa devant elle, sans plus la considérer que si elle avait appartenu au paysage. D’ailleurs, il poursuivit son chemin sans plus de cérémonies. Cependant, au lieu de s’éloigner à proprement parler, il dessina progressivement un cercle qui le rapprocha, à quelques mètres de là, des bords de la cascade. Les couples demeuraient, toujours éperdus d’amour, de tendresse et de dévotion réciproque. Le cœur endurci d’Uriel céda quelque peu devant cet appel imaginatif qui ne fit qu’une bouchée de sa superficielle résistance. S’enorgueillissant de son plus bel esprit critique, il déclara, d’une voix si forte que tous pouvaient très certainement l’entendre :

    « Nul ne peut sûrement être malheureux devant un tel spectacle ! Mais si tel est le bonheur, peut être vaudrait-il mieux qu’il en soit possible autrement… que certains d’entre nous préservent alors un semblant de raison pour dicter aux autres ! En tous les cas, moi, renchérit en se tournant à demi vers la Reine, si tel est le bonheur, je suis bienheureux d’être malheureux ! »

    Cette fois, il sut que son regard, comme aucun de ses traits, ne pouvait exprimer la détresse émotionnelle qu’il éprouvait en parallèle de son apparent discours. Son âme soupirait, mais son visage demeurait digne, son cœur saignait, mais tout en son attitude paraissait être suffisance personnelle et mépris. Il le savait. Tout cela ne durerait pas plus de quelques minutes mais juste suffisamment pour être encore digne des odieux personnages qu’il fréquentait déjà quotidiennement. Il ne valait guère mieux. Ou plutôt, tel était le jour il n’avait trouvé rien de mieux à faire pour occuper son temps qu’être gratuit. Peu importait finalement. Qu’était-ce, à tout prendre, que quelques secondes ? Du bonheur ou du malheur, et encore, quand ce n’était pas du perdu… parce que nul ne le partageait.
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MessageSujet: Re: « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C.   « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C. I_icon_minitimeMer 1 Avr - 22:17

    Rosemary se demandait si elle l'avait déstabilisé, ne serait-ce qu'un peu. Si tel en fut le cas, il ne le montra pas néanmoins. Cette manie si agaçante qu'il avait de masquer ce qu'il ressentait ... Parce qu'elle en était certaine, il ne jouait pas franc-jeu, il n'était pas juste un être indépendant et misanthrope. En voilà un beau défi pour notre souveraine, découvrir le véritable Uriel. Elle ne pu s'empêcher d'esquisser un sourire à la réponse silencieuse mais ô combien hypocrite du jeune homme. Elle avait l'habitude des courbettes, des formules de politesse ridicules et des sourires exagérés mais chez lui ça sonnait tellement faux.

    - Je vous en prie très cher, je crois que nous avons dépassé le stade de ces enfantillages. Je vous dispense de toute forme de soumission exagérée. Je suis lasse de tant de conventions ...

    C'était à moitié vrai. Que des individus comme Uriel dont elle se méfiait autant qu'elle estimait s'abaissent à cela l'agaçaient ... seulement voir ses pauvres victimes se prosterner devant elle était toujours une grande satisfaction. Et puis il fallait être prudent avec le narcissisme et la mégalomanie. Ces deux traits de caractère pouvaient se retourner contre vous lorsque vous aviez affaire à des individus à votre mesure.
    Elle se contenta de l'écouter, silencieuse. Comment devait-elle décrypter ses paroles ? Y avait-il un sens caché ? Peut-être. Ou bien ne devait-elle pas chercher bien loin. Il était fort probable qu'il trouve, tout comme elle, ce spectacle parfaitement déplorable. Elle le regarda s'éloigner quelque peu, sans commenter aucun de ses gestes ou de ses paroles. Il avait beau ne point le prétendre, Rosemary le savait, il aimait être écouté mais choisissait avec soin chacun de ses mots et contrôlait comme personne ses émotions. Avait-il peur qu'on le perce à jour ? Ou bien ne savait-il plus très bien lui-même ce qu'il voulait, ce qu'il était. C'était définitivement captivant de le voir si assuré et de deviner qu'en réalité, il n'en était rien. Seulement Rosemary préférait ne pas faire de conclusion hâtive. La temps et l'expérience lui avaient apprit que la prudence était l'une des armes les plus puissantes dont elle disposait. Elle esquissa un léger sourire avant de lui répondre.

    - Mais je serais plus qu'heureuse d'entendre ce à quoi ressemblerait le bonheur pour vous mon cher ami. Faites-moi oublier les cascades et les démonstrations obscènes dans l'herbe. Je suis sûre qu'en vous concentrant bien, vous trouverez un visage qui vous insufflera deux ou trois idées ... dit-elle, son petit sourire amusé toujours accroché aux lèvres.

    Le déstabiliser, c'était tout ce qu'elle voulait à présent, histoire qu'il avoue quelque chose, qu'il se dévoile enfin. Contrairement à ses petits jeux habituels, la reine n'attendait pas de réponse capable de donner lieu à un quelconque chantage. Non, c'était la curiosité pure et simple qui l'animait. Elle s'accorda un moment d'inattention, le regard perdu sur l'épais nuage qui barrait l'horizon. Qu'il prenne son temps, après tout, le bonheur n'était-il pas une notion indéfinissable ?
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MessageSujet: Re: « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C.   « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C. I_icon_minitimeMer 1 Avr - 22:51


    Ignorant les regards très certainement posés sur lui, entre indifférence, mépris ou simple pitié, Uriel fût absorbé par le comportement de son interlocutrice ; elle n’était pas plus - ou moins d’ailleurs - fidèle à elle-même que d’habitude, mais, cette fois, il ressentait comme une forme de curiosité interrogatrice qui le dérangeait. Pire, le rongeait. Sans trop savoir comment et pourquoi, cette attitude le conduisit à être d’humeur plus calme, moins subversive. Ce ne pouvait être qu’une accalmie après tout, mais c’était autant de ruptures dans son manège de provocation et de gratuité. Il la sondait des yeux, incertain, et aucune réponse satisfaisante ne lui parvenait. Alors que la frustration aurait pu le gagner pour compléter l’être noir et vicieux le possédant, Uriel se sentit réellement et simplement apaisé. Peut être n’était-ce finalement que le seul fait de s’être trouvé un interlocuteur… cas en lequel la solitude le rendait vraisemblablement acariâtre. Ou peut être était-ce simplement le plaisir commun et naturel de converser avec quelqu’un ayant, à ses yeux, l’étoffe d’un rien de compréhension ou d’attention. Il ne s’y trompait pas, Rosemary Cartwright ne serait pas sa Boîte de Pandore, loin de là, mais si elle avait du temps à perdre à écouter, il en avait tout autant pour parler.

    Avant même de songer à poursuivre cet entretien, à répondre somme toute, Uriel s’accorda un moment d’attention hagarde. S’il n’avait prêté aucune forme d’intérêt à son environnement jusque-là, il y trouva soudainement un réconfort certain. « Vous trouverez un visage qui vous insufflera deux ou trois idées, avait-elle dit. » Uriel glissa de nouveau son regard sur sa redoutable interlocutrice, vaquant elle-même à un instant de perdition spirituelle.
    Elle savait très probablement. Non pas la nature profonde et subversive d’un Uriel corrompu par sa propre singularité légendaire, mais elle savait très certainement qu’il avait été, quelque part, apprivoisé par les vices qu’il tâchait pourtant de mépriser. Il aimait. Peut être. Autant qu’il détestait d’ailleurs. Elle ne pouvait pas le savoir, mais s’en douter, certes. Il n’avait jamais été aussi lié à qui que ce fût au Pays des Merveilles qu’à Nelchael, et personne ne l’ignorait. C’était la raison pour laquelle il ne pesait que davantage la réponse qu’il préparait.
    Quoi qu’il dise, c’était autant de choses qu’il livrait. Uriel n’était pas quelqu’un de mystérieux à proprement parler, mais plutôt de tellement contradictoire qu’il en venait vite à ne plus savoir s’il voulait être compris ou incompris, compréhensible ou incompréhensible. Pour l’heure, le conflit s’avérait rude puisque nul ne semblait pouvoir percer sa sincérité sociale - soit son inexacte capacité à délivrer de lui plus que nécessaire (soit peu, ou rien).

    « J’ignore le bonheur que je veux, répondit-il finalement (son regard pour le ciel). Mais je sais ceux dont je ne veux pas. »

    Instantanément, son regard redescendit sur l’amas de couples, ci et là, ne se souciant point qu’ils aient eu un observateur, ou deux. Uriel ignorait pourquoi, mais il ne voulait pas de ces relations génériques, tellement fades, tellement absurdes, tellement simples et lassantes qu’elles en faisaient sa cible favorite. Lui ne voulait que tout et son inverse, et tel que celui lui plairait alors. Ou peut être ne le voulait-il pas. Le plus difficilement envisageable dans les conditions qui lui imputaient était bien qu’il ne savait pas réellement ce qu’il voulait, ou plutôt ce qu’il aurait voulu. Nelchael.
    Secouant la tête, il reporta son attention sur la terrible Reine de Cœur. Il la scruta un long moment, entrouvrant la bouche. Cet acte délibéré le conduisit à prendre encore quelques secondes pour distiller son propos. Si Uriel n’avait pas été si indépendant et, temporairement, indifférent à tout et à tout le monde, sans doute aurait-il pris le temps de réduire à son joug quelques naïfs rien qu’à la force de son attitude démagogue.

    « Que peut bien vous faire le bonheur d’un cynique malheureux ? N’avez-vous point quelque idiot à torturer qu’il vous faille vous en prendre à un égal ? Interrogea-t-il sur le ton de la conversation, son sourire teinté d’humour sincère venant relever le tout d’une étrange provocation. Aussi loin que je me souvienne, vous n’étiez guère mieux éprise que moi de leurs triviales coutumes… Alors ? »
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MessageSujet: Re: « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C.   « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C. I_icon_minitimeVen 3 Avr - 23:51

    Elle contempla son interlocuteur en souriant. Uriel faisait partie des rares individus qui osaient faire patienter la reine. Il était de notoriété commune que Rosemary était plus indulgente avec ses congénères aristocrates, pour la simple et bonne raison qu'elle n'avait pas accordé de privilèges à n'importe qui. Elle n'entretenait pas de relations amicales avec eux à proprement parler, son indulgence ayant tout de même des limites, mais il y avait en ce bas monde une poignée de types qu'elle estimait ne serait-ce qu'un peu. Uriel en faisait partie et c'était pour cette raison qu'il pouvait se permettre cette nonchalance sans risque. Il finit par lui répondre, le regard rivé sur la scène quasi pornographique en contrebas. Ce pauvre petit était en fuite permanente, elle pouvait presque le lire sur son front. Mais avec quoi ou ... qui s'acharnait-il à mettre tant de distance ? Il n'avait qu'un mot, qu'un pas à faire pour débloquer cette situation dans laquelle il semblait s'empêtrer. Alors quelque chose l'en empêchait. Son foutu orgueil peut-être ? Ce qui était certain, c'était qu'il n'obtiendrait aucune aide de sa part. C'était justement parce qu'il était constamment torturé qu'il avait éveillé son intérêt. Côtoyer un être heureux et épanoui était d'une banalité affligeante. Cependant, essayer de comprendre son état était un jeu plutôt divertissant.

    - C'est tellement facile, dit-elle avant de s'allonger avec grâce dans l'herbe. On passe son temps à refuser, refuser et nulle perspective ne se profile à l'horizon.

    Sa robe sombre s'agita doucement sous la brise. Elle ferma les yeux et dans sa tête elle vit un moulin à vent, avec de grandes hélices jaune pâle. En même temps, elle imaginait aisément le jeune homme tourner en rond, jetant des coups d'œil autour de lui, partagé entre dégoût, incompréhension et curiosité. Il finit par lui adresser la parole à nouveau et sa question eu le mérite de l'amuser. Alors comme ça il se considérait comme son égal ? Il n'avait pas tord quoique pas tout à fait raison non plus mais il était drôle de penser que personne n'aurait jamais osé le formuler de la sorte, surtout sur ce ton. Elle aimait aussi cette désinvolture, même s'il s'agissait peut-être d'un déguisement, il maniait le sarcasme avec habileté.

    - Alors vous l'admettez, vous êtes malheureux, dit-elle sur un ton égal. Je vous félicite : peu de gens sont capables de courber l'échine si facilement sous le poids de la fatalité. L'espoir, c'est démodé pas vrai ? fit-elle, contenant un sourire moqueur. Et ne soyez pas si méprisant : ces idiots comme vous dites savent me divertir et c'est une qualité que je chéris plus que tout. Disons qu'aujourd'hui, j'ai décidé de me tourner vers les causes perdues, ajouta t-elle à son attention. Nous savons vous et moi que vous êtes pris au piège d'une forteresse que vous avez vous-même bâtie.

    Elle-même trouvait cette attitude de psychologue quelque peu risible mais le but était plus de le provoquer qu'autre chose. Après tout, il ne fallait pas oublier qu'elle ne désirait pas qu'il trouve un jour la paix. Peut-être était-il fait pour cette vie après tout. Continuer ce petit jeu avec sa chère et tendre, savoir qu'il n'y aurait jamais rien de sérieux et par conséquent en souffrir jusqu'à la fin. Sans compter la foule d'idées pas nettes qui devaient vagabonder dans son esprit. Elle entrouvrit les yeux pour guetter sa réaction avant de replonger dans sa rêverie.

    - Et puis il s'agit là d'une rencontre tout à fait fortuite. Je ne voudrais pas que vous vous croyiez persécuté très cher. En principe, je devais passer la journée à faire se sentir ridicule ce paquet d'innocents. Seulement je dois avouer que c'est un échec total, ils semblent imperméables à tout sens du ridicule.
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MessageSujet: Re: « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C.   « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C. I_icon_minitimeSam 4 Avr - 2:19


    Comme beaucoup d’individus, Uriel pensait ressentir le malheur. Il ne se sentait en rien malheureux, mais il semblait bel et bien l’être. Ce paradoxe ne lui était, pour une fois, absolument pas dû. En effet, son sentiment ne naissait que de la définition extérieure que l’on se faisait du bonheur. « On » était exactement ces couples éperdus de leurs ébats, amoureux ou simplement sexuels, qui ne voyaient dans leur oisiveté qu’une abstraction de leurs peines, de leurs angoisses et de leurs désespoirs. En tous les cas, Uriel ressentait ainsi ce comportement naïf et déraisonnable ; dans ces condition, il se sentait souvent trop conscient, trop lucide, ou simplement différent, selon son état d’esprit premier. Par opposition, et principe de raison élémentaire, cela faisait de lui quelqu’un de malheureux. Voilà pourquoi il le revendiquait, et revendiquait même préférer l’être à toute forme qui fût connue ou inconnue du bonheur, ou de son semblant. Tout cela était d’un monde qui ne lui allait guère… cela pouvant expliquer une part de son comportement contradictoire.

    Pourtant, il n’était pas toujours comme cela. Uriel n’était pas seulement un jeune homme antipathique, misanthrope, acerbe et cynique. D’un naturel bienveillant, serviable et courtois, il était même régulièrement aux antipodes de cela. Guère présentement, certes. Il fallait bien admettre qu’elle savait très exactement que dire et comment afin de le pousser à n’être que plus… comme elle. Il ne s’imprégnait pas tant que cela des personnes qu’il fréquentait, mais cet instant placé sous le signe du mépris n’en était que plus influencé vers les tréfonds de la gratuité assassine.

    « Ne serait-ce pas de la psychologie tout droit sortie du fond des bois, cela ? Rétorqua-t-il narquois après la longue tirade de son interlocutrice, visiblement piqué au vif. Et s’ils savent vous divertir, fort bien ! Ajouta-t-il dans un geste semi théâtral. Grand bien leur fasse ! Mais, moi, je ne serai le bouffon d’aucun roi, persifla-t-il finalement. »

    Souvent Uriel avait exprimé du mépris, mais jamais avec autant de poison dans les veines et donc de venin sur le bout de la langue. Il l’avait probablement cherché à s’improviser son égal. Encore qu’il pensait sincèrement l’être, si ce n’était même valoir bien davantage. A ses yeux, la valeur d’une personne ne pouvait se mesurer à sa capacité d’intimidation, et c’était bien là leur fondamentale différence. Peu importait sur le fond, encore une fois. Toutes ces pensées éparses conduisaient simplement Uriel à écouter son interlocutrice avec attention, tout en sachant pertinemment qu’il finirait par être irrévérencieux, quel que fût le propos.

    « Exiger d’eux la honte de leur ridicule revient peut être à exiger de vous la honte de votre vanité. »

    Son scepticisme fût si exagéré qu’il fût fort près de s’en offusquer lui-même. Il n’avait pas exactement envie de parler de tout cela présentement. Comme d’habitude, somme toute. Elle cherchait à en apprendre davantage qu’elle n’était habilitée à savoir, et Uriel était précisément de ces êtres qui plus ils sont contraints plus ils s’entêtent. Il ne l’en tint par rigueur, après tout, c’était la Reine de Cœur.

    « La fatalité n’existe que dans les yeux de ceux dont vous infligez pareille peine, murmura-t-il soudainement pour lui-même. Leur ridicule ne se nomme finalement qu’espoir. »

    Uriel n’était peut être tout simplement pas fait pour vivre au Pays des Merveilles. Peut être qu’il ne pouvait exister dans cette sphère si étrangère à sa connaissance et qui, réciproquement, ne comprenait ni ne voulait rien savoir de lui. Il ne souffrait pas de cette asocialité plus qu’autre chose, puisqu’il savait paradoxalement être intégré quand il y mettait du sien. C’était bien davantage sa dualité qui paraissait inadmissible. Après tout, ici, tous étais fort singuliers… mais en cela qu’ils avaient une ou deux facettes. Uriel, en comparaison, était sans doute davantage un prisme révélant toutes les natures de l’être, les scindant, les conjuguant, les agençant, jusqu’à en faire toutes sortes de mélanges plus explosifs les uns que les autres.

    « Qu’importe les tours de la Providence. Trouvez-vous quelque autre objet de tourments. Mon cœur est déjà pris, nota-t-il vaguement et pourtant avec cela de significatif qui rappelait comme Uriel ne disait rien sans arrière pensée.. »
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MessageSujet: Re: « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C.   « Fêtons, ce jour, l'imagination... » | Rosemary C. I_icon_minitimeLun 6 Avr - 19:04

    On avait attribué à la reine cette réputation singulière de jeune femme extrêmement susceptible, capable de vous trancher la tête selon ses humeurs ou au moindre petit affront. Elle avait laissé courir cette rumeur puisque d'une part, c'était relativement divertissant de tous les voir pâlir et puis cela lui assurait un certain contrôle ... du moins sur une partie de la population. En réalité, il n'en était rien. Ceux qui la provoquaient avaient en fait beaucoup plus de chance de survivre que les pauvres petites créatures qu'elle adorait repérer pour s'en faire un quatre heures. Rosemary ne perdait jamais son sang-froid et était d'une nature très joviale même. Ses sourires étaient souvent la marque d'un certain sadisme mais il fallait reconnaitre qu'elle n'avait rien de la bonne femme ridicule qui se mettait en colère pour un oui ou pour un non. C'est donc avec une tranquillité incroyable qu'elle accueillit les répliques acides de son interlocuteur. Il semblait qu'elle avait tapé là où ça faisait mal.

    - J'étais justement en train de me dire la même chose mon cher ami. Mais je vous en prie, ne soyez pas trop vaniteux : nous sommes tous le jouet de quelqu'un ou de quelque chose. Moi-même, aurais-je la prétention d'affirmer que le temps et le destin ne me ballottent pas comme une poupée de chiffon ? Certainement pas. Votre point fort est aussi votre point faible très cher ... votre orgueil.

    Il sembla qu'il se fit quelques réflexions personnelles qu'elle eut la correction de ne pas commenter. Au lieu de cela, elle ferma les yeux à nouveau et se concentra sur le moulin à vent qu'elle avait créé de toutes pièces. C'était simple, un mouvement immuable ... Elle qui vivait pour la complexité s'étonnait de ses pensées et de ses aspirations soudaines. Elle fut sortie de ses pensées lorsqu'Uriel brisa le silence à nouveau. Enfin il osait l'énoncer à haute voix, même de manière déguisée. C'était peut-être contradictoire, mais la jeune femme fut soudainement hautement satisfaite. Il avait beau prétendre désirer qu'elle le laisse seul, en vérité il semblait vouloir remettre le sujet sur le tapis. Rosemary se montra néanmoins prudente et feignit de ne point avoir compris la subtilité.

    - Oh mais n'ayez craintes, en aucun cas je n'entendais vouloir occuper une place qui n'est plus vacante. Mais je doute que votre cœur soit trop étroit pour abriter l'amour et le tourment, ce sont deux sentiments indissociables. Soit, finit-elle par ajouter, puisqu'il semblerait que je vous importune, je me contenterai de me taire et d'admirer ce joli moulin à vent ...

    Comme souvent, il n'y avait qu'elle pour se comprendre. Cela lui était égal, de toutes manières, elle était lasse de lui faire la leçon. C'était un grand garçon après tout ... surement pas né au bon endroit néanmoins. Elle caressa le petit médaillon ivoire que lui avait offert Zadig à leur fiançailles et se mit à fredonner d'une voix presque imperceptible une petite ritournelle tout droit sortie de son enfance.
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