A votre service, votre majesté {ROSEMARY

Courir à en perdre la tête ! Qui s'étonnait encore de voir Viridiana passer à grande vitesse sous son nez ? Absolument personne. Ce qui étonnait davantage, c'était de la voir marcher et pour cause c'était tellement rare. Flâner ? N'en dites pas plus, là c'est elle que vous étonnez ! Flâner ? Quelle étrange idée... vraiment ! A lui en arracher des rires nerveux, pour sûr. En cette douce matinée de printemps, seule saison que semblait connaître le pays des rêves d'Alice, Virdiana courrait... mais vers où ?

Ses pieds chaussés de longues chaussettes noirs et de chaussures rouges rappelant celles d'une écolière s'activaient encore plus rapidement qu'à leur habitude et pourtant... c'était des talons ! La voilà, la réponse à l'énigme. Pour que Viridiana enfile à ses pieds des chaussures à talons, c'était qu'elle se rendait à la Résidence Valet de Pique. Endroit de leur pays qui avait inventé l'étiquette et il était hors de question de s'y rendre avec une apparence négligée. Double miracle de la part de la petite Viridiana : être à l'heure et vêtue convenablement qui plus est. Elle portait une simple jupe rouge remontant au-dessus de ses genoux ainsi qu'un pull gris aux motifs noirs laissant voir ses avants bras. Il en allait jusqu'à ses cheveux flamboyants parfaitement brushingés qui ne souffraient pas de cette course folle... vraiment, cette jeune fille avait quelque chose de surnaturel !

Etait-ce cela qui avait retenu l'attention de la Reine ? Viridiana se demandait sans cesse "pourquoi moi ?". C'était sur elle que les yeux de Rosemary s'étaient posés ce fameux jour, à elle qu'elle avait donné un ordre absurde. Mais pourquoi ? Elle n'était pourtant pas bien grande parmi tous les autres habitants de la Résidence au port de tête majestueux. La seule chose qui la faisait ressortir de cette foule, c'était ses cheveux rouges. Et il aurait été absurde de raisonner par rapport à cela. Ca aurait été revenir à dire que Viridiana était condamnée à arpenter les quatre coins du royaume au pas de course pour le bon plaisir de sa majesté juste parce que ses cheveux étaient rouges ! C'était absurde à en pleurer... raison d'en faire une théorie à ne pas écarter en pareil monde. Toujours est-il que, fruit du hasard ou non, la Reine de Coeur avait vraiment pris goût à faire courir le Lapin, à le voir se plier en quatre pour répondre à ses volontés les plus folles. Et peut-être au fond, ne fallait-il mieux pas qu'elle s'en lasse... car alors, que se passerait-il ? Ne ralentissant pas pour autant le pas, une de ses mains vint se poser instinctivement contre sa gorge, juste en dessous de son cou... La Reine possédait un autre don : celui de la faire psychoter ! Ainsi, si son corps n'était jamais en repos, son l'esprit ne l'était pas non plus. Ce n'était pas une vie. Et c'était là tout l'art de Mrs Cartwright : la faire avancer, courir même malgré tout.

Mais que lui voulait-elle ? Des soldats avaient intercepté notre Lapin très tôt dans la matinée, alors même qu'elle s'apprêtait à rentrer chez elle, s'offrant le luxe de fermer les yeux une seule malheureuse seconde. Elle n'avait pas pu... elle avait pris pour l'occasion deux pilulles roses et l'effet avait été immédiat... une énergie artificielle électrisant tout son être, la poussant à aller plus vite, à ignorer ce coeur battant la chamade et menaçant d'exploser. Elle avait finalement traversé la Grande Plaine et elle arriva finalement face à la grande porte. Comme le voulait la coutume, elle s'annonça. Tandis que les gardes se regardaient, ébahis qu'elle ait encore réussi à être à l'heure, elle regardait brièvement sa montre, savourant sa petite victoire. Belle illusion, n'est-ce pas ? Pas même essouflée, un sourire de circonstances aux lèvres, elle vérifiait que son apparence ne soit pas négligée en quelque endroit tout en avançant dans la grande Cour pavée. Avait-elle jamais regarder autour d'elle en cet endroit ? Viridiana traversait le pays sans ne jamais constater la beauté des lieux. C'était encore plus vrai ici, le stress n'en était que plus aveuglant en ce château. Ce qui était plus terrible ici que nulle part ailleurs était qu'en plus de réaliser l'impossible, elle devait ne pas le montrer... respecter l'étiquette, un code si stricte. Elle s'en sortait toujours mais son coeur battait toujours aussi vite, son esprit dressait une liste vérifiant avec une maniaquerie maladive que rien ne soit oublié, jamais. Et par dessus cela, la peur.. la peur terrible qui lui tordait l'estomac, celle de commettre une erreur. Non vraiment, il ne fallait pas se fier à son sourire tandis qu'elle franchissait une nouvelle grande porte, guidée par les deux gardes, celle où l'attendait la terrible Reine de Coeur.