Lysandre C. Jefferson - Une chenille au poil !

Vent de l’ouest chevauchant les vertes plaines. Soleil du nord, irisant les petites boutons d’or. Musique hydraulique, faisant battre l’horloge orgasmique. Qu’il est bon de ne point se sentir vivre et pourtant de paraître terriblement présente. On me nomme la Chenille au narguilé. Je fume, je bois, je mange, je roule, je baise et je ris. Rien n’est trop beau dans mon monde, car après tout, j’en suis l’artiste. Vivant dans le jardin des fleurs, je me joue de tout, j’ignore les belles plantes, je les brûle, je les consume. Suis-je pour autant cinglée ? Disons plutôt psychologiquement instable. Toujours en recherche de nouvelles expériences, je suis l’impérieuse souveraine d'un art bien plus raffiné qu'il n'y paraît. Rêveuse, intelligente, incompréhensible, impulsive, perverse, butineuse et manipulatrice. Voilà donc ce qui semble guider ma vie de toxico passionnée par les arcs en ciels et les cries. Ne vous méprenez cependant pas ! Car en tendre et chère créature que je suis, mon charme étrange n’en est que plus dangereux. Volage, dotée d'une excellente éducation. Il se pourrait que je ravisse autant les yeux que les oreilles. La gente féminine, quand à elle, ne paraît pas apprécier mes délires d’aliénée. Héritière d'une belle cervelle, je suis issue de l’imaginaire même de la douce enfant à la robe bleue. Le pays des merveilles n’a aucun secret pour ma langoureuse personne. Je vis, j’évolue et mourrais avec lui. Voyages, divagations subtiles. Tout ce que je dis ne doit pas être pris pour paroles stupides. Les doubles sens et devinettes agaçantes, sont ma manière de dire tout haut, ce que l’on ne pense que trop bas. Arrogante sans nul doute, j’attise les jalousies et les haines, pour la simple raison qu’on ne comprend pas toujours ce que je souhaite exprimer dans ces dialogues téméraires.

Un vrai rêve pour quiconque croiserait mon chemin de traverse, je suis la boite de pandore, la caverne d’Ali le Baobab. En soit, j’ai fini par devenir un fournisseur réputé dans cet univers insensé. J’ai de toutes tailles, formes et couleurs. Drogues dures, douces, glissantes, inexistantes. Je distribue, et m’en amuse. Quelle délicieuse idylle d’un jour imaginer voir se rassembler la farfelue population, en une même exaltation des sens ! On se sert de moi pour prendre du plaisir, et étrangement, je m’en contre fiche. Champignons fluorescents, cigarettes volantes. Je peux m’afficher et choquer, aucune excentricité ne m’est déconseillée. Ma langue n’appartient qu’à moi-même et il s’avère que je la laisse se balader entre les fourrés. Pardon ? Que dites vous ? Stoppez vous immédiatement, vos visages me dérangent. Mon existence s’envole dans les volutes sensuelles de l’âmes, des corps et des esprits. Je suis en recherche de perditions. Vivre dans les extrêmes, ne jamais trébucher et courir toujours plus vite pour atteindre, enfin, ce but inconnu de moi-même. Je crame la vie par les deux bouts. La chenille fait autant peur qu’elle ne fascine. Qu’il en soit ainsi ! Les rues sont des jardins, mes bras sont de grandes ailes, le ciel devient ma terre et la froideur des cœurs ma douleur.

Tout ici m’appartient, aucuns titres ne m’atteint. Je suis libre comme l’air, et parcoure les claires rivières au rythme des bouffés fumantes échappées de bouches pressées. Je suis une amoureuse. L’ amoureuse des chants, des poésies et des rimes. L’homme, la femme ? Quelle est donc cette différence qu’on tente de me faire comprendre ? Je jouis de leurs présences dans mon regard embué. De l’omniprésence dans mon être excité, de ses deux monstres sauvagement intrigants. Embrasser les lèvres ardentes, lécher les corps entrelacés. Fantasme ambulant, je déverse fièvre charnelle dans mes tourbillons de poussières magiques. Qui a dit que la chenille au narguilé n’était pas une magicienne ? Une diabolique illusionniste. J’hurle à plein poumons ma rage de tromperies, d’irréalités nécessaires.
Ô mon amour, mon bel amour, offre moi jouissance et décadence. Je procure les produits, tu me dois d’assouvir mes travers. Mes vices somptueusement perfides.
Je n’appartiens à personne. Je ne suis la propriété de personne. Je butine tel un papillon, les fleurs et les lianes énamourés. Milles et une couleurs, délirante et délurée. J’ai l’apparence d’un feu d’artifice. Entre paresse, flegme parfois. Je dérape subitement, et fonce tête la première dans l’absurdité, l’extravagance et l’hostilité. Aucun en ce bas monde ne peut se targuer me comprendre ou me connaître. Toutefois on tente de percer mon mystère. Ah… Si vous saviez, moi-même j’ai du mal à suivre mes raisonnements.

« Le Roi à dit, il faut être sage. Sage comme une image. Mais les images sont t’elles des ingénues ? Et les ingénues des prudes ? Avouons le, personne n’est dupe. Quoi, ce n’était pas la question ? Mais la question est un concept et les rêves des merveilles. Pour comprendre le fonctionnement d’Alice, il faut remonter l’arbre. L’arbre de sa vie. Et bien oui ! Le chêne parlant, où sont affichés tous les glands. Pardon ? Je suis infecte ? Mais pourquoi tant d’animosité, je ne dis là qu’une dramatique vérité. Oui, oui, je sais, tu en fais partie. Au fait ? Partie de quoi ? Des glands de l’arbre ? Wouah. Mais quelle classe, j’aimerai pouvoir te gouter. Non, non pas tout entier. Juste le bout ! Ne me regarde pas comme ça, tu devrais savoir que c’est à cet endroit qu’il est sensible… ment délicieux de croquer. Oh, mais dis moi, tu ne serais pas nouveau par ici ? »
Prenant une grande inspiration, le narguilé était tout chaud, tout flamme. Le petit fripon se délecte de la discussion. La chenille est postée haut dans l’arbre et réfléchis encore du monologue qu’elle vient d’accomplir. Et bien, c’est qu’elle n’est pas peu fière, voilà qu’elle-même il lui semble ne pas encore avoir déchiffré tous les mots utilisés. Le jeune homme, nouvel arrivant, est un sacré chanceux. Il vient de découvrir l’ambassadrice de toutes les folies.
« Bon allez, c’est bien parce que je t’apprécie déjà, que je te laisse pénétrer l’organe de ma vie. Ne fais pas l’innocent, ne me dis pas que tu n’y avais toujours pas songé ! Cette contrée est mienne. Ne t’inquiètes pas, elle est propre et terriblement nette. »

Ah. Qu’il est bon de pouvoir observer l’antipathie vicieuse qui fait de la Chenille une odieuse créature. Elle éprouve ceci à l’égard de chacun. Celle-ci est un être bien à part dans le monde utopique de la blondinette. Il faut le reconnaître.