Have fun... in the dark. [Narcisse]

Les gens criaient, les gens jouaient. Occupés à faire trembler le grand chêne dont le nombre de cabanes continuaient à se multiplier. Des résidences proportionelles à la fortune de ses occupants. Pour donner le ton, le roi en avait déjà fait construire quelques unes. Il était ainsi l’heureux propriétaire de trois magnifiques cabanes. Les trois plus grandes, bien entendu. Mais il n’en avait visité que deux. Car malgré l’animation constante qui animait les environs du grand chêne, le roi n’était jamais revenu sur la première idée qu’il s’était faite de ces lieux : terriblement ennuyeux. Si il était là, c’est parce que ce ne serait bientôt plus le cas.

Les gens ne criaient plus, les gens ne jouaient plus. Le grand chêne arrêta soudain ne trembler. Les portes des résidences ne tardèrent pas à se fermer, et le silence s’imposa lentement dans ces lieux devenus très calme. Trop calme. Une idée qui fit sourir le roi, amusé devant ce curieux spectacle. Les mères qui hurlaient à leurs enfants de rentrer immédiatement, les portes qui se claquaient violemment, le bruit qui disparaissait gentiment, sans prendre le peine de lutter contre le silence. Et plus que tout, le soleil qui se cachait lentement derrière le grand chène, laissant à l’obscurité tout le loisirs de s’exprimer. Les choses sérieuses allaient pouvoir commencer, il était temps pour le roi de s’amuser. Prenant place sur le banc le plus proche, Zadig observa le grand chêne si vivant et animé se transformer en un endroit franchissant presque les limites du glauque avec son inquiétante obscurité et son silence définitivement pesant. Des informations qu’il ne tarda pas à recevoir de la part d’un des habitants. Navrant, comme si il n’était pas au courant. A croire que le peuple ne sait rien de son roi.

- Avec tout le respect que je vous dois, monsieur, articula un enfant manifestement atrocement bien éduqué, la nuit, cet endroit est dangereux et ne correspond vraiment pas à un aristocrate tel que vous.

Le roi tourna la tête, et l’enfant esquissa une sorte de révérence aussi amusante que pathétique. Zadig était curieux de savoir combien de temps il lui fallait pour que l’énergumène se mette à lui baiser les pieds. Cette sensation de pouvoir que lui prodigue son statut de roi, il ne s’en lassera décidemment jamais.

Pris d’un élan de compassion, mêlé à un léger sentiment d’amusement, le roi descendit de son banc et s’agenouilla face à l’enfant.

- Entre nous, lui chuchota-t-il à l’oreille, j’espère vraiment que tu as raison.

Le visage du petit adopta rapidement une expression qui se situerai entre l’étonnement et l’excitation. Encore un gosse téméraire et amateur de sensations fortes enfermé dans une vie ennuyeuse jusqu’à ce qu’il puisse enfin quitter le cocon familiale, manifestement trop stricte pour un rebel dans l’âme tel que lui. Si le roi ne ressentit à cet instant qu’un léger sentiment d’affection pour lui, l’enfant pouvait tout de même s’estimer heureux. Zadig ressentait quelque chose, c’était déjà pas si mal. Et cette complicité naissante fût brutalement arrêté par la mère qui hurla à l’attention de son fils, l’ordonnant de rentrer à la maison, sans doute inquiète au sujet de la conversation qu’il aurait pu avoir avec le roi.

Zadig reprit alors la place qu’il avait abandonné quelques secondes plus tôt, et observa les derniers rayons de soleil qui luttaient encore contre l’obscurité de la nuit. Encore quelques secondes, et ils disparaitraient à leur tour. Pour le plus grand plaisir du roi, l’ambiance inquiétante et dangereuse du grand chêne à la nuit tombée se faisait déjà ressentir. Le silence régnait à travers l’obscurité seulement brisée par quelques lumières éléctriques. Zadig balaya les alentours du grand chêne d’un regard. A sa droite, Narcisse s’avançait vers lui, répondant à l’appel qu’il lui avait envoyé quelques minutes plus tôt. A sa gauche, une ombre indeterminée et probablement dangeureuse s’approchait. Le genre d’ombre qui donnait à cet endroit l’adjectif de « malfamé » en période de nuit. Le genre d’ombre que le roi espérait trouver, et avec laquelle il avait bien l’intention de s’amuser. Ils n’étaient plus que trois, et tous s’approchaient à grand pas. L’obscurité continuait de s’imposer. Le jeu pouvait enfin commencer.

Sous le regard amusé du roi, les deux ombres s’approchaient. Sans bouger de son banc, qui promettait d’être un dangereux lieu de confrontation, il leva la tête vers les fenêtres encore élcairées qui, une par une, s’éteignaient. Laissant à l’obscurité tout le loisir de s’imposer. En sécurité, à l’intérieur de leur solide maison, certains curieux se risquaient à jeter un discret coup d’œil à travers leur fenêtre. Certains s’inquiétait pour le roi, ne comprenant pas ce qu’il faisait là. D’autres, plus joueurs, se contentaient d’apprécier la scène, pourvu d’une confiance totale au roi, qu’il savait intouchable. Parmi eux se dissimulait sans doute quelques transparent traître, caressant l’espoir de voir les méchants remporter le combat, pour savourer le spectacle du roi goûtant à l’immonde saveur de la défaite. Sans savoir que le réel méchant de la partie n’était autre que lui, et que quand il s’agissait de jouer, le roi ne perdait jamais. Pour preuve, son fidèle allié rejoignait déjà le ring, et son inébranlable assurance dévoilait sans peine le vérité. Lui non plus, n’avait jamais échoué.

- Quel mauvais coup nous prépare le roi de ces contrées ? souffla-t-il à l’oreille du roi, un sourire à tendance machiavélique sur le visage. Zadig, pour son plus grand bonheur, crût même y déceler une pointe de sadisme. De quoi être fier de son partenaire, digne frère de la reine.
- Trois fois rien, répondit Zadig, les yeux tournés vers l’ombre qui n’en serait bientôt plus une. Juste assez pour s’amuser, et accessoirement, se mettre en danger.
Distraction, danger. Aux yeux du roi, il avait toujours s’agit du même combat. L’un sans l’autre n’existe pas, ou dans le meilleur des cas, finit par perdre de son intêrét. C’est un fait, le jeu n’est jamais drôle quand personne n’ose se mettre en danger. Et pour vous le prouvez, notre ami l’ombre est enfin arrivé. Sa démarche lente s’est finalement arrêtée, ses pas lourds ont cessé de frapper le sol encore étourdie du passage de cette imposante carrure. Zadig leva la tête, et une nouvelle fois, son sourire se dévoila, laissa apparaître des dents aussi droites que blanches. Des dents dignes d’un roi.

- Je te présente Bardoc, dit-il à l’adresse de Narcisse. Comme tu le vois, c’est un allié de choix en cas d’agressions physiques. Il nous évitera de nous salir les mains. Des aristocrates comme nous se doivent d’avoir un puissant garde du corps, n’est-ce pas ?
Lâche, pas du tout. Quelque peu prudent, seulement. L’orgueil du roi n’était plus un secret pour personne depuis déjà bien longtemps. Et le plus drôle dans l’histoire, était que seule une légère poignée d’individus pouvaient prétendre que cette attitude n’était pas justifiée. La preuve que le roi n’était pas près de se faire détrôné.
- Mais nous protéger n’est pas sa fonction principale, continua-t-il, comme si il présentait un simple jouet dernier cri. Tu n’est pas sans savoir qu’une poignée d’anti-aristocrate continue encore de s’affirmer au Pays des Merveilles. Cette nuit sera la leur. Un peu de sang va couler, et entre nous, j’espère vraiment que ce ne sera pas le nôtre. Bardoc sera l’arbitre. Nous serons les joueurs. Et eux…
Zadig se tourna vers l’obscurité, brandissant fièrement le bras vers une armée d’ombre prête à s’entre-tuer. La synchronisation était parfaite. Son sourire s’élargit.
- … ce seront nos adversaires, autant que nos alliés.

Des habitants du château de cartes sortirent de l’ombre, aux côtés d’invividus non-identifiés, désireux de se frotter à l’aristocracie qui n’était pas toujours apprécié. Peu importe la manière dont les choses allaient se dérouler, les deux clans ne tarderaient probablement pas à s’affronter. Un spectacle des plus divertissants s’annonçait. Le visage du roi indiquait sans peine qu’il avait déjà hâte d’y assisté, et peut-être même, d’y participer.

Un Fight Club improvisé, des partcipants déchaînés. Pour le meilleur comme pour le pire, la situation ne demandait qu’à dégénérer.

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