Cruelty has to be shared - Narcisse

Les sourcils froncés, la jolie reine s'impatientait. Évidemment elle connaissait les risques encourus lorsqu'elle avait décidé de faire cette stupide balade nocturne dans le labyrinthe. a chaque fois, elle espérait que les buissons eux-mêmes reconnaitraient sa majesté et se plieraient à son bon-vouloir. C'était trop demandé, il ne s'agissait que de buissons après tout, pas de vulgaires sujets prêts à se courber au moindre tressaillement de sa part. Seulement ce qui l'agaçait par dessus tout c'était de savoir que le chat de Cheshire, lui, connaissait cet endroit comme sa poche. Un sens de l'orientation particulièrement aigu n'était d'aucune utilité : il fallait simplement être totalement fou. La reine ne l'était pas assez et le chat un peu trop, d'où sa tendance à ne jamais se perdre dans le labyrinthe. Rosemary, finalement un peu étourdie par tous ces allers et venus finit par se laisser tomber sur un banc de pierre particulièrement inconfortable.

- J'ordonne que tu te recouvres de velours, tenta t-elle vainement.

Le clair de lune faisait naitre un joli contraste entre sa peau extrêmement pâle d'aristocrate et toute la verdure qui l'entourait. Elle ne se faisait pas de souci : tôt ou tard elle trouverait la sortie. C'était un peu comme si ce labyrinthe souhaitait jouer quelques heures avec les pauvres malheureux qui s'y aventuraient puis finissait par se lasser et ouvrait alors un passage totalement imprévu. Cependant le jeu était loin d'être inoffensif. On parlait de deux ou trois pièges mortels dans le coin. Si elle avait pu, Rosemary les aurait installés elle-même mais encore une fois, tout cela échappait totalement à son contrôle. La belle s'allongea de tout son long sur son trône de fortune et alluma une cigarette. Les volutes de fumées s'échappait doucement vers l'astre lunaire, littéralement flamboyant dans la nuit noire. La reine s'attendait presque à entendre le cri déchirant d'un loup garou dans l'obscurité. Alors qu'elle se sentait prête à rejoindre le pays des songes, qui n'était d'ailleurs pas très différent de la réalité dans laquelle elle évoluait, un léger bruit retint son attention. Un bruissement de feuilles ? Le vent, son imagination ? Ou bien un autre pauvre hère ... Ce qui était totalement plausible, les habitants de ces contrées n'ayant absolument aucune notion de prudence. Elle reconnut bientôt une voix féminine. La petite Astrid trainait-elle dans les parages ? Non l'intonation était bien plus agaçante. Et puis une autre voix, beaucoup plus basse. Un léger sourire naquit sur les lèvres de la jolie reine : qui batifolait dans ses jardins à une heure pareille ? Peut-être le huit de trèfles et cette petite sotte de trois de carreaux ?

Rosemary tira sur sa courte robe ivoire et essaya d'imaginer ces pauvres créatures obéissantes en train de se livrer à la luxure en pleine nuit. C'était plutôt distrayant. Rosemary en était tellement à ses considérations scabreuses qu'elle ne remarqua même pas qu'un nouvel arrivant venait de faire son entrée dans la petite allée. Elle finit par tourner la tête et lorsque son regard croisa celui du plus célèbre libertin du royaume, elle ne pu s'empêcher de sourire. Qui d'autre sinon son frère pouvait s'amuser cette nuit-là ?

- Tu sais qu'après elles viennent pleurnicher au palais. Tes frasques me coutent un temps précieux Narcisse, dit-elle, amusée, en guise de salutation.

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Rosemary le suivit des yeux tandis qu'il s'installait à ses côtés, en prenant bien soin d'éluder sa remarque. Plus elle le regardait et plus son sourire s'élargissait. Quelque chose de spécial les unissait, outre leur passion commune pour la souffrance des autres : la reine n'avait d'amitié pour personne et d'amour que pour l'élite, à savoir son roi et son frère, même s'il s'agissait encore de deux sentiments bien distincts. Elle était tellement fière de Narcisse : il avait littéralement tout pour lui et usait de ses atouts à la perfection même si ses tendances libertines viraient souvent à l'obsession. Parce qu'il n'était pas un simple cavaleur sans scrupule : il aimait voir souffrir ses "victimes". La cruelle déesse le respectait pour cela. Ils avaient l'intelligence et la cruauté mêlée à la superbe dans le sang qui leur conféraient une aura indestructible. D'ailleurs elle se disait souvent qu'elle avait une chance inouïe qu'il soit son frère et qu'il n'ai jamais tenté de faire d'elle une vulgaire conquête. Parce que du coup, elle comptait vraiment contrairement à tout cette ribambelle de brunes, de blondes, de rousses et autres femelles aux pigmentations capillaires douteuses.

- Tu sais trésor, ce n'est pas parce que tu passes tes nuits à faire de mon labyrinthe un lieu de débauche que je devrais suivre ton exemple. Zadig et moi avons la plus belle suite de la résidence, ce n'est pas pour fricoter sur de vulgaires bancs de granit. Non, je me suis simplement perdue, répondit-elle, amusée, faisant volontairement l'impasse sur le clin d'oeil ô combien subtil qu'il venait de lui adresser. Tu sais combien cet endroit me fascine et m'agace à la fois. Je ne perds pas espoir d'en connaitre le moindre recoin un jour et de prendre ce foutu chat à son propre jeu.

Il lui fallait conserver son calme, mais c'était plus fort qu'elle, dès que l'image de ce type détestable se matérialisait dans sa tête, ses nerfs en prenaient systématiquement un coup. La jolie brune subtilisa la cigarette de son frère et fit quelques ronds avec la fumée, prenant pour cible l'astre lunaire. Elle se demandait souvent comment toutes ces filles, aussi peu évoluées soient-elles pouvaient encore tomber dans le panneau. Elles espéraient toutes un instant qu'elles pourraient être la femme de sa vie, celle qui changerait tout. La naïveté, quoique désespérante, était une source du surprises intarissable. D'un autre côté, comment ne pas croire les déclarations enflammées d'un être si parfait ?

- Et c'est toi qui me parle de sérieux ... alors que tu as déjà oublié le prénom de la pauvre créature que tu viens d'abandonner. L'as-tu jamais su ?

- Oh je t'en prie ne fais pas l'innocent. Bien sur que tu n'utilises pas la force mais tu les pièges à tous les coups et tu n'as aucun scrupule à les manipuler psychologiquement. Tu sais très bien qu'une femme normalement ou même anormalement constituée ne résiste pas à tes petites fossettes et encore moins à tes phrases romantiques de tordu.

La jolie reine lui rendit sa cigarette, les yeux toujours rivés vers le ciel. Elle préféra ne pas répondre à ses provocations concernant ce cher chat du Cheshire mais ne pu s'empêcher de sourire lorsqu'il se mit à lui tirer la langue. Son frère n'était nul autre qu'un enfant turbulent un brin trop sûr de lui. Un enfant avec des occupations peu orthodoxes, cela allait de soi. Parfois, elle se demandait combien de membres de la gent féminines avaient bien pu succomber au charme ravageur du célèbre Narcisse. Le score devait osciller entre deux milles et soixante millions. Rosemary préférait viser large, Narcisse avait horreur qu'elle le sous-estime. La jeune femme finit par lui rendre sa grimace puérile et se redressa délicatement sur son banc de granite.

- Et alors ? Tu as des projets en ce moment ? Parce que c'est bien gentil de papillonner pour ton propre plaisir mais si tu veux mon avis, je trouve que tu te ramollis. Tiens, prenons par exemple cette douce et délicate Mazarine qui est tellement, tellement folle de toi. Que vas-tu en faire ? Il parait qu'elle s'accroche. Si j'étais toi j'organiserais un mariage pompeux et je prononcerais un "NON" retentissant au moment fatidique ... ou bien tu pourrais aussi lui présenter nos parents, paix à leur âme. Sois inventif, trésor, mais de grâce, fais la souffrir, tu as une réputation à tenir après tout, ajouta t-elle, un sourire malveillant toujours accroché aux lèvres.

Rosemary Cartwright était probablement l'une des seules personnes au monde qui assumaient totalement sa méchanceté de la sorte. Mazarine ... La reine avait bien vite entendu parler de cette singulière jeune femme qui semblait s'être autoproclamée petite amie officielle de Narcisse ... chose qui en soit, était déjà totalement improbable. L'association était étrange en effet mais il semblait que la jolie blonde était véritablement éprise. Qu'à cela ne tienne, un nouveau sujet de divertissement royal s'était profilé à l'horizon même si Rosemary avait décidé de rester à l'écart. Narcisse était parfaitement capable de s'en sortir seul. Le même sang coulait dans leur veine après tout.