Paye ta salsepareille mec ! (louise est en travaux, don't disturb)

- Un joyeux non-anniversaire !
- A moi ?
- A vous ! Soufflez très fort sur la bougie et le vœu s'accomplit !
- Et ta sœur elle s'accomplit ?

Ridicule. Tous ces types me désolent un peu plus chaque jour. Se rendent-ils compte que cette fête, tout comme la plupart de leur coutumes, est complètement absurde ? Probablement pas. Ce matin, une fille bizarre totalement flippée m'a sortie de mon lit (oui car dans ce foutu pays on ne jouit d'aucune vie privée) et m'a annoncé le plus sérieusement du monde qu'aujourd'hui, c'était mon non-anniversaire. La bonne blague. Hier aussi c'était mon non-anniversaire. Et avant-hier également. Autant vous dire que je ne suis tranquille qu'un jour par an. Le fait que je sois toute nue ne l'a pas dérangée le moins du monde pendant qu'elle me servait son discours de félicitations, l'heure de la grande fête en mon honneur et la robe qu'elle me conseillait de porter. Je n'ai pas pu résister à l'envie de lui en coller une, heureusement pour elle, la petite était rapide et avait déjà décampé avant que je n'ai le temps de lever la main. Inutile de préciser que j'avais déjà décidé de ne pas y aller. Fallait pas déconner : si ces marioles m'avaient amusée au début, ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui. Un tel degré d'inconscience est tout bonnement inacceptable. Car oui, le pays des merveilles n'est habité que par des inconscients qui pensent qu'on peut passer sa vie à cueillir des marguerites en faisant le poirier. Et au milieu de ces fous, il y a moi : pauvre victime d'un sort des plus cruels. Je ne leur ressemble en rien parce que contrairement à eux, je suis dotée d'un cerveau normalement développé. Alors revient cette satanée question : Qu'est-ce que je fous là, au milieu de ce bordel inextricable de bestioles folles à lier ? Mystère et boule de gomme.

Moi qui pensais naïvement pouvoir échapper à cette atrocité sensée me faire plaisir, j'avais jeté le déguisement d'abeille coquine que la rousse m'avait filé pour une petite robe noire puis j'avais quitté ma baraque sordide. Oui parce que voyez-vous, j'habite dans la petite banlieue kitschissime de la région. Alors ma maison est rose ... pour pas dépareiller avec le reste forcément. Je déteste ce pays. J'avais décidé de passer la journée voir la nuit sur la plage, afin qu'on ne me retrouve pas. N'allez surtout pas vous imaginer une étendue de sable à perte de vue et un moment de détente absolu : une bande de débiles passe son temps à vociférer des paroles dénuées de sens et à courir sur le sable. Sauf que je connais une crique dont ils ignorent l'existence ... enfin IGNORAIENT serait plus exact. Car lorsque je débarquai à seize heure trente huit précises (enfin heure des fous) la bande de débiles avait migré jusqu'à ma crique. J'ai tenté d'expliquer à un type aux cheveux verts qu'il était sur une propriété privée, d'ailleurs la preuve, j'avais gravé mon prénom sur la roche : "LOUISE VEUT TOUS VOUS VOIR MORTS". Il n'a rien voulu savoir mais n'a pas arrêté de me sourire et de me dire que ça tombait bien que j'sois là. Treize secondes plus tard, j'apprenais que la petite party aurait lieu ici. Je crois que je suis devenue toute rouge, violette même. Sauf que je n'ai pas eu le temps de m'énerver : ils m'ont attrapée par la taille et m'ont soulevée comme un trophée en gueulant. Autour de moi des musiciens à la manque se sont mit à jouer pour le plus grand déplaisir de mes tympans. Ils ont finit par me reposer à terre au bout d'une éternité mais ont poursuivi leur petite ronde autour de mon corps déjà fatigué. Le contraste entre leur mines réjouies et mon regard de tueuse devait être amusant. Soudain, une petite fille s'est approchée de moi et m'a tendu un entonnoir. Sur le coup j'ai pas compris, jusqu'à ce qu'ils se mettent à crier : "UN DISCOURS ! UN DISCOURS !"

- Donc c'est un mégaphone ... Heu j'sais pas moi ... J'emmerde la reine ?

Ça a été le seul moment drôle de la soirée, lorsque j'ai vu tous leur visages terrifiés : un peu comme s'ils craignaient de se faire décapiter pour le simple motif de m'avoir écoutée. Oui parce que je vous dois une petite explication : ils ont tous peur de cette meuf, leur soit-disant reine. Personne ne sait vraiment pourquoi, parait qu'elle est le diable en personne. Moi j'en sais rien et je m'en fous. Mais j'aime bien les provoquer avec ça, c'est comme qui dirait mon lot de consolation dans cette vie misérable. Malheureusement, mon petit effet n'a duré qu'un temps et voilà où j'en suis : seule face à un immense gâteau bleu pervenche et une centaine de convives qui n'attendent qu'une chose : que je souffle et que je fasse un vœu. Je sais déjà ce que je vais souhaiter et vous aussi j'imagine : j'aimerai revenir en arrière, ne jamais avoir suivi ce foutu lapin et vivre à nouveau dans le monde réel. Parce que tous ces types ont l'air d'avoir toujours vécu ici mais savent-ils combien c'est difficile pour quelqu'un qui a connu Central Park, les téléphones cellulaires et les Libertines ? Je crois que je vais devenir folle. Je le suis surement déjà.