Complot à la Cascade Argentée | La quête des coeurs gelés | PV

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Que lui voulait donc une gente Dame faite de la plus fine étoffe ? Le Chevalier ne pouvait extraire de son esprit encore embrumé de n'avoir pu achever son entraînement inachevé cette question. Etait-il possible qu'un inférieur ait pu manquer de respect à la Princesse de la Folie Ensanglantée ? Pardieu ! Si cela se révélait vrai, il se ferait une joie de le passer au fil de Woodstock, sa fidèle compagne, l'alliée de ses jours et la berceuse de ses nuits, sa tendre épée au coeur d'acier damassé !

Chevauchant avec mille ardeurs sans s'étonner de la vitesse pourtant inhabituelle de sa monture, Naoise parvient enfin à la Clairière argentée où la Dame l'avait fait mander. Il était en avance, nota t'il en s'étalant à terre pour avoir manqué l'étrier. Se relevant et s'époussetant, le Cavalier Blanc lança un regard vers l'étendue d'eau dans laquelle son destrier s'ébattait, faisant cela un rien de vapeur. Se pouvait-il qu'il n'ait pas apprécié ses nouveaux fers chauffées au rouge ? Quel dommage... Il les lui chaufferaient à blanc, la prochaine fois.

Elégant, le jeune fou s'approcha d'un arbre au bord de l'eau, ôtant sa cape pour l'étendre sous l'ombre bienfaitrice. Dame Kallen n'allait sûrement pas s'asseoir à même l'herbe comme le faisaient les manants ! Que ladite cape soit quelque peu défraichie et tâchée de boue ne comptait pas : Il suffirait de placer quelques poignées d'herbe dessus pour qu'elle ne risque pas de perturber la perfection de sa mise. Le raisonnement était de cette logique luminescemment obscure qui caractérisait la pièce d'Echec.

Le fou sagement s'appuya contre le tronc de l'arbre, caressant le pommeau de sa douce amie de la paume avant de se laisser aller à songer. Il faudrait qu'il se rende au château bientôt… La réaction de la Reine en apprenant la perte de son collier était indigne de son rang. Elle se devait d'être détachée et inaccessible à des choses si bassement matérielles, à l'image des Saintes de jadis ou d'Alice, leur tendre sœur. Et puis, il fallait vraiment qu'elle interdise les pipes à opium ! La dernière avec laquelle il avait discuté lui avait annoncé son intention de devenir Reine des Cœurs et de soumettre la Reine de Cœur à sa volonté, en faisant sa remplisseuse officielle de coupe tout en la forçant à battre sa coulpe…

Enfin des bruits de pas se firent entendre, et Kallen arriva. Sitôt qu'elle fut à sa hauteur, le Cavalier s'inclina avant de prendre le manteau de la Dame et le suspendre dans les branches de l'arbre, à l'abri. Galant, il invita la Dame à s'asseoir sur la maigre couche qu'il avait préparé à son intention. Dés qu'elle fut à son aise, le Chevalier prit la parole. Il eut été malséant qu'une dame de rang supérieur, de surcroit sans chaperon, fut vue à lui parler la première. De la sorte, il pourrait sans mentir affirmer être venu la voir en vue d'échanger quelques mots sur sa Dame qu'il ne croisait que trop peu…

_ Que me vouliez-vous, gente Damoiselle ?

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Qu'est-ce qui importait le plus au monde aux yeux de Kallen ? Le chat, lui, lui et seulement lui, pour le plus grand malheur de la belle. Elle avait beau tenter de l'oublier, ne serait-ce qu'un temps, mais il trottait toujours dans sa tête, ou plutôt même dans son coeur, ce qui était bien pire. Mais cet amour n'était qu'à sens unique, pour son plus grand malheur ! Bon, elle n'était pas du genre à se lamenter à longueur de temps. D'ailleurs, comme toutes les princesses du palais, elle passait le plus clair de son temps à intriguer. Sous ses airs naïfs et gentils, elle pouvait être en réalité une véritable garce, une garce sans pitié ni limites.

Mais ce jour-là, Kallen n'avait envie de faire du mal à personne. Pas encore du moins... Elle voulait le chat, contrariée qu'elle était qu'il se délaisse à ce point d'elle. Qu'espérait-elle au fond ? Elle savait bien qu'elle ne pourrait jamais le rendre fou d'elle mais, tout de même, quelque chose en elle espérait, ne serait-ce qu'un peu, pouvoir lui faire tourner la tête. Rien qu'un peu. Qu'il manifeste un peu plus d'attention à son égard, aussi. Alors, c'était pour cela qu'elle avait eu une idée plutôt étrange. Peut-être était-ce le désespoir qui l'avait fait ce matin mandé Naoise. On le disait fou. Tant mieux, elle l'était elle aussi. En plus, rempli d'idéaux et naïf comme il l'était, elle le pensait plus facile à manipuler.

Elle s'était donc rendue au rendez-vous qu'elle lui avait donné, sortant du château telle une ombre. Elle ne voulait pas être suivie par une quelconque ménagère, la petite huître par exemple qui était certainement la pire de toutes ! Il ne fallait pas qu'on sache ce qu'il se passait, sans quoi son petit plan si bien rodé allait tomber à l'eau. Et, plus que d'être contrariée d'avoir été découverte, elle risquait de perdre toute crédibilité, ce qu'elle n'aurait jamais supporté. Elle arriva à la Cascade Argentée sans encombre. Le chevalier était déjà là, l'attendant patiemment avec sa fidèle compagne, son épée. Elle marcha vers lui et lui adressa un sourire aimable et poli alors qu'il la saluait et lui ôtait son manteau. La voici enfin traitée à sa juste valeur ! Quel bonheur que cela ! Il l'invita à s'asseoir sur sa cape, sale à souhait. Kallen tiqua intérieurement mais ne laissa rien paraître. Les règles de politesse et de bienséance, elle les connaissait parfaitement alors elle s'y assit tout en pensant qu'il faudrait qu'elle change de tenue à son retour du palais, histoire d'être sure de ne pas se balader telle une souillon partout. Il parla le premier, lui demandant la raison pour laquelle elle l'avait demandé. Kallen sourit et lança de sa voix fluette :

"Rien de spécial... Juste discuter. Je me suis rendue compte que nous n'avions jamais eu l'occasion de parler."

Il fallait tout de même l'intéresser, le captiver, histoire de ne pas avoir l'air de mentir. Aussi fit-elle mine de vouloir en savoir plus sur lui :

"Dites-moi... Comment se porte le Royaume en ce moment ? N'est-il pas trop difficile pour une lame aussi fine que la vôtre de devoir lutter seul contre tous ?"

Elle fronça légèrement les sourcils et soupira :

"Ah... SI vous saviez ce qu'on dit de vous, ça me fait de la peine..."

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Discuter ? Naoise tiqua intérieurement. On ne venait pas le voir pour discuter. On venait le voir pour le moquer, lui donner conseils, aides et services. Mais on ne discutait pas avec lui. Même les fous de ce royaume le prenaient pour plus fou qu'eux, et l'on ne discute pas avec les fous. La pièce d'Echec était parfaitement consciente de sa situation et de l'opinion qu'on avait de lui, en dépit de son apparente naïveté. Certes, il était bourré de manies, rasoir comme pas deux et obnubilé par une quête qui ne concernait bien que lui, mais il n'était pas sourd. Et les habitants des bois ne sont pas réputés pour être les gens les plus discrets du royaume non plus...
La suite du discours de la Princesse de la Folie Ensaglanté le fit se rengorger un instant, avant qu'il ne se rappelle que sa lame était loin d'être fine. Il serait fâcheux qu'une épée ait la même finesse qu'une rapière...

_ Ah... Si vous saviez ce qu'on dit de vous, ça me fait de la peine...

Vraiment ? Le chevalier fixa intensément la jeune femme, donnant extérieurement l'impression de simplement la contempler. L'avantage lorsqu'on a la réputation d'être l'idiot du village, c'est que les gens interprètent toujours de travers vos attitudes.

_ Je ne me soucie guère de l'opinion de Populace quant à ma personne. Ma tâche est ce qu'elle est, et a les conséquences qu'elle a.

Il n'avait de toute manière guère de réputation à tenir, étant sans rang ni naissance. Son héros n'était pas Don Quixote pour rien. Jouant toujours avec le pommeau de son épée, le Chevalier laissa son esprit dériver vers d'autres lieux, imagiant sa Dame brodant et chantant, jouant à la paume, se laissant courtiser... L'avait-elle oublié, pauvre hère qu'il était ? Le méprisait-elle de n'avoir toujours pas pu rétablir Ordre en ces contrées ? Il voulait, il devait savoir. Attendant galamment que Dame Kallen ait fini son discours, le chevalier interrogea sous couvert de relancer la conversation.

_ Et auriez-vous nouvelles de ma Dame ? Voici fort longtemps que je n'ai eu nouvelles d'elle. Je crains qu'elle ne m'ait oublié, au milieu de ces paons de la Cour avides de la séduire.

Soupirant tristement, le Chevalier baissa la tête. Il eut presque souhaité la lâcheté des gens vivants en ces lieux, pour se réfugier dans les champignons plutôt que de lutter contre des géants à l'apparence de moulins à vent. Se redressant, il rejeta les épaules en arrière. Non, ne pas se laisser abattre !

_ M'auriez-vous fait mander pour quelque service que je puisse vous rendre, Dame Kallen ?

Plutôt prendre les devants qu'attendre qu'elle ne lui fasse elle-même demande. Le chevalier, comme le lapin blanc, ne savait pas refuser une demande, même si il lui arrivait de presque y parvenir. Si il n'était pas submergé de tâche, c'était simplement que sa réputation de fou obsédé uniquement par sa dame et sa quête le précédait.

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Kallen fixa l'herbe tellement verte qui l'entourait tout en écoutant la réponse de Naoise. Elle sourit légèrement et hocha la tête à toute vitesse en relevant la tête. Elle ne voulait pas en venir là, après tout elle ne voyait pas, pour le moment du moins, l'intérêt de sa mission. Ou plutôt ce que sa mission pourrait présenter comme intérêt pour elle. Aussi expliqua-t-elle en fronçant légèrement les sourcils, d'un air gêné :

"Oh... Non, il ne s'agit pas de votre mission. Certes, on se moque de vous, mais on s'est moqué de bien des héros déjà. C'est bien dommage."

Elle ne voulut pas continuer, il fallait ne pas risquer de le brusquer. Kallen estimait ne pas le connaître encore suffisamment pour savoir comment bien s'y prendre avec lui. Il n'était pas une de ces écervelées du palais qui étaient tout de suite éblouies par des petits compliments bien placés et excitées par la moindre des rumeurs qui courait. Non, Naoise était trop éloigné de toutes ces bêtises pour que la princesse puisse user des subterfuges habituels. Elle passa sa main dans l'herbe tout en l'écoutant parler de sa dame. Oui, Amorante se montrait bien ingrate envers son amant. C'était bien de cela qu'elle voulait lui parler et c'était lui qui avait abordé le sujet comme un grand. Ceci faciliterait peut-être la tâche de Kallen, qui sait. Elle fit donc une petite moue quand il parla de celle qu'il aimait et de ses doutes, histoire de montrer ce qu'elle pensait de tout cela. Elle fixa le chevalier, il lui aurait presque fait de la peine, si elle n'était pas sans coeur à ce point dès lors que ses intérêts étaient en jeu. Alors qu'elle était sur le point de lui parler d'Amorante, après avoir justement estimé qu'elle pouvait remuer le couteau dans la plaie, il lui demanda pourquoi elle l'avait fait venir. Elle était, pour ainsi dire, démasquée. Il était inutile de se ridiculiser en cherchant une excuse vaine. Alors, Kallen sourit timidement en rougissant un peu et baissa la tête. Elle fit alors :

"En réalité, oui. J'ai bien un service à vous demander."

Elle se releva pour s'avancer jusqu'à être à la hauteur du chevalier et expliqua :

"Il s'agirait plus d'un service que vous me rendriez en échange d'un service que moi aussi je vous rendrais. Bien entendu, si cela vous dit" acheva-t-elle avec un large sourire.

Elle s'éloigna et expliqua le fond de sa pensée à Naoise, qu'il sache bien ce qu'elle entendait par "service" :

"Vous avez raison de vous inquiéter pour votre Dame. Mais je pense pouvoir vous aider..."

Elle le fixa un instant puis baissa les yeux d'un air timide.

» Et la souffrance exaltera les coeurs. { Callisto